Dans le monde de la communication, le luxe a longtemps été un marché complètement à part. Les plans média étaient très statiques, centrés sur le print, reconduits d’une année sur l’autre et souvent guidés par les amitiés entre patrons de presse et créateurs et plus généralement par les seules R.P.
Aujourd’hui, les maisons ont fait leur révolution et se révèlent parfois plus dynamiques et inventives que les autres secteurs, car elles n’ont jamais oublié l’apport de la communication et du média sur la construction de marque. Par ailleurs, le Luxe est un terrain d’observation des stratégies intéressant, car les acteurs ont beaucoup de ressources, ils peuvent ainsi soutenir leurs partis pris stratégiques avec des moyens. Glanons çà et là quelques idées transposables à d’autres industries.
Au centre de l’écosystème du Luxe, il y a tout d’abord le défilé.
Le dernier défilé croisière Chanel a été suivi sur Facebook par 500.000 internautes. Longtemps événement BtoB à destination des rédactrices de mode et des gros clients, les fashion weeks sont devenues des rendez-vous culturels globaux comme n’importe quel festival de cinéma. Pour les maisons, c’est un média grand public dont l’objectif premier est de produire l’image qui fera le tour du monde sur Instagram. Magnifier ses produits et faire de chaque lancement de produit un événement est un principe que seules des marques comme Apple ou quelques industries comme le jeu vidéo ou l’automobile ont su mettre en œuvre.
Autre apanage des maisons de luxe : renforcer le caractère événementiel d’une prise de parole par l’utilisation systématique de formats innovants. L’aspect « à part » des campagnes est renforcé par l’ajout de formats de type « total covering » de station de métros. De même, les pop up stores se multiplient désormais mais conservent leur caractère extra-ordinaire en se faisant toujours plus spectaculaires. Chez Chanel, Cartier ou Shiseido, la boutique éphémère est de moins en moins une boutique et ne ressemble plus du tout à une installation temporaire. Enfin, l’utilisation de médias alternatifs tels l’affichage sauvage (chez Celine ou Saint Laurent par exemple) pour faire vivre l’esprit de la campagne devient un must.
Pour les maisons, donner de l’importance au contexte a toujours été une préoccupation majeure — c’est le fameux « effet écrin ». Cela se traduit par une grande attention donnée aux choix des titres et aux emplacements en presse. L’importance des valeurs des magazines a été prouvée par l’étude Le Fit, réalisée par MPublicité et présentée à l’IREP. Le Fit est un nouvel indicateur publicitaire qui permet de rapprocher les valeurs du titre et les valeurs de vos marques et d’optimiser l’efficacité de la publicité en maximisant le transfert de valeur.
Bien évidemment, tout n’est pas rose et il y a aussi des dérives dans la gestion stratégique des marques de luxe, qu’il faut se garder d’imiter. Tout d’abord, une obsession du « never done before ». Or, parce qu’il faut toujours faire différent, on peut facilement tomber dans la communication gadget et il est difficile de capitaliser sur des opérations réussies.
Par ailleurs, Le luxe est un marché ou les effets de panurgisme sont importants : le surinvestissement sur certains supports « historiques » est progressivement remplacé par un investissement tout aussi massif en Digital (déjà plus de la moitié des dépenses pour des marques comme Gucci). Instagram est devenu, à raison, la nouvelle obsession des maisons. Mais une fois le réseau saturé, comment se distinguer ?
Reste un dernier défi plus important encore pour les marques de luxe que pour les autres : la brand safety. Cela passe bien sûr par la maîtrise de la diffusion des messages, notamment vis-à-vis des achats programmatiques mais également par la maîtrise des discours de marque. Cette dernière se révèle complexe pour des maisons longtemps habituées à communiquer de manière top-down et unique dans tous leurs marchés, souvent par la seule voix de leur créateurs. Le récent scandale de Dolce & Gabbana en Chine montre que la maturation des consommateurs vis-à-vis du luxe et l’explosion des médias sociaux doit forcer les marques d’une part à mieux cadrer leurs discours, d’autre part à accepter qu’il puisse être interprété différemment d’un pays à un autre. En somme, devenir un secteur comme un autre !
photos by: ButterflySha & Sean MacEntee
YVES SIMEON – Dirige RELOAD
Cabinet de conseil et de formation. Sa mission est d’accompagner les entreprises dans la mise en place de parcours d’écosystèmes grâce à l’audit de leur stratégies, de leur organisation et la formation de leur équipe. Yves intervient tous les mois dans la rubrique Mot pour Mot
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