La musique, le marché test de la transformation numérique 

Cela fait plus de 20 ans que les premiers titres MP3 ont été échangés en peer-to-peer sur Internet. 20 ans durant lesquels on on est passé d’un marché fermé, mono support (le CD) et verrouillé par des majors à un nouveau paysage avec de nouveaux acteurs, de nouveaux rapports de force et une économie qui commence à peine à se stabiliser.

L’industrie musicale est un très beau cas d’école pour étudier le phénomène de transformation numérique. Notre enjeu ici sera d’en d’identifier les principaux enseignements.

1er enseignement : la transformation du marché de la musique doit se penser comme une transition à gérer sur le long terme

La transformation du marché de la musique a pris du temps (les premières difficultés sont apparues en 2002) et a pris bien des formes. Toute transformation doit ainsi être envisagée en de nombreuses étapes. Souvent, l’urgence de transformation génère une excitation non productive. Le développement de cessions de prospectuve de type Design Fiction peut permettre d’y remédier.

2ème enseignement :  pour anticiper les nouveaux usages, il faut connaître les fondements de son marché

Quand on vend de la musique, on vend quoi ? La musique c’est bien sûr des œuvres mais aussi un outil de partage (rappelez-vous des cassettes que l’on composait pour draguer), un ciment communautaire (cf. la rivalité entre Mods et les Punks), un média d’accompagnement… A partir de chacune de ces fonctions on peut construire des stratégies d’évolution. La « fonction d’accompagnement » s’est ainsi récemment traduite en une véritable industrie des playlists qui pourrait encore se développer à l’avenir. On peut imaginer des playlists pour soigner des maladies, pour accompagner le sport, des dégustations de vin, etc.

3ème enseignement : muscler l’expérience

Prenons le Vinyle qui explose (+ 72% de ventes en France en 2016). Ce support est une offre à forte dimension expérientielle et communautaire achetée par un public de bobos qui adore se retrouver au disquaire de quartier (mon conseil : allez voir Jacques chez All Access au 3 rue Brochant). Son prix élevé repose sur sa valeur expérientielle énorme. Pourtant, les marketeurs n’ont pas encore essayé de creuser cette expérience et se contentent encore de l’exploiter. Aujourd’hui 50% des offres ne garantissent pas l’expérience en terme de qualité de son et d’apport culturel lié au disque : pas de livret,…

4ème enseignement : le délicat équilibre volume/valeur

L’enjeu lors de la transformation est de définir le prix du ou des produits/services amenés à devenir nouvelle référence. En musique, des tentatives ont été lancées avec » Pay what you want » de Radiohead ou REM mais le modèle unique d’accès à la musique s’est cristallisé en quelques mois sur un modèle par abonnement et un prix unique autour de 9,99€. Ce prix permet-il pour autant à l’écosystème d’être viable ? On peut en douter quand on sait que les plateformes perdent de l’argent et que les modes de rémunération ne favorisent que les stars. Parfois, la transformation numérique perd l’équilibre volume/valeur et crée de tels changement de rapports de force sur les marchés que leurs régulateurs sont forcés d’intervenir.

5ème enseignement : être prêt à redéfinir le périmètre de son marché

Sur de nombreux marchés, le digital a permis un accès gratuit aux produits culturels (musique, films…), la priorité est désormais de leur redonner de la valeur. Cela peut passer par l’exploration d’autres territoires annexes. C’est l’une des complexités mais aussi des opportunités de la transformation numérique : les barrières entre marchés disparaissent et permettent d’aller chercher la valeur ailleurs. Dans le cadre de la musique par exemple, cela veut dire dans le licencing, la publicité, les playlists, les produits dérivés, le sponsoring… Tout semble possible.

A vrai dire, le seul préalable pour bien définir sa stratégie d’exploration/transformation numérique reste le traditionnel « mettre le consommateur au centre » ! Nous venons de vivre la première étape de la transformation du marché avec la plateformisation et la dématérialisation des offres une histoire …à suivre.

YVES SIMEON – Dirige RELOAD

Cabinet de conseil et de formation. Accompagne les entreprises dans la mise en place de parcours de (trans) formation. Yves intervient tous les mois dans la rubrique Mot pour Mot
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@SimeonYves

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